Vers une abstention record ? Chiche !

A J-5 du scrutin, je réponds à la chaîne transmise par Luc Mandret autour du pourquoi voter (ou pas). Je n’aurais jamais pensé en arriver là, jusqu’à prendre le contrepied de mes amis militants eurofédéralistes, mais je me réjouis d’avance de l’abstention en France uniquement (pas dans le reste de l’Europe). Pis, je prends un malin plaisir à espérer un nouveau record. Pourquoi un tel revirement ? Non pas que je sois devenu fou ou que j’aie retourné ma veste du côté des antieuropéens, bien au contraire. Je suis simplement déçu, désabusé par cette « campagne », comme l’aboutissement de 30 ans de médiocrité. Comme Benoît Hamon, j’ai des envies de vote sanction ! Non pas contre Sarkozy et son gouvernement, mais contre le système entier, contre toute la politique européenne « made in France » telle qu’elle est entretenue par les grands partis et qui aurait moins besoin de buzz que de « rupture ». Plus je me pose les questions de base, plus je me dis que ça ne tourne pas rond dans ce pays.

Pour qui vote-t-on ?

Si l’on s’en tient aux vidéos de campagne officielles, on pourrait dire qu’on vote pour Nicolas Sarkozy Xavier Bertrand, Martine Aubry ou François Bayrou, tous trois leaders de leurs partis, tous trois européens à temps partiel, tous trois non candidats, les deux premiers ne l’ayant d’ailleurs jamais été (en tout cas pas en position éligible)… Oubliez/és les Barnier, Désir et de Sarnez ! On repassera pour la crédibilité du discours européen.

Grâce à la régionalisation, on a cru déplacer le scrutin au plus près du terroir. C’est ainsi que le gars du nord, Vincent Peillon, se retrouve à prêcher l’Europe à Marseille ! Et pourquoi pas demain Joseph Daul prêchant l’Europe avec son accent alsacien en pays basque ? Rien de tel pour faciliter l’identification de son/ses candidat(s) !

Heureusement, malgré la pléthore de petits partis à l’intérêt souvent discutable, les piliers restent en place. Le cru 2009 aura été excellent grâce à un splendide jeu de chaises musicales où les meilleurs éléments en activité sont rarement ceux reconduits (ex: Gilles Savary). C’est cela aussi la politique.

Au final,on nous répète que la majorité des candidats sont compétents et qu’ils siègeront tous jusqu’au bout. Au moins une leçon de retenue suite à l’hémorragie de la précédente législature (ex: le retour sur Paris en catimini de Pierre Moscovici à mi-mandat européen), on fera le bilan des promesses en 2014. Certes, Michel Barnier aura été frappé d’amnésie en oubliant que la France était à l’origine du rosé coupé. Certes, Rachida Dati ment en affirmant sur RTL que la Turquie est engagée dans un processus d’adhésion de partenariat. Certes, François Bayrou aurait mieux fait de nous épargner son lapsus présidentiel en misant tout sur Marielle de Sarnez. Certes, le PS français devrait faire profil bas au regard de sa faible influence sur ses partenaires socialistes européens – il n’y a qu’à voir sa difficulté à mettre en avant un candidat PSE à la tête de la Commission. Malgré tout cela, les candidats sont tous bons pour le service, prêts à en découdre !

Quel scrutin déjà ?

La date, on l’a retenue à peu près, c’est déjà ça. Par contre, on me souffle dans l’oreillette que Paris aurait fait une petite erreur dans ses spots officiels. A la question « combien d’étoiles sur le drapeau européen ? », il fallait répondre non pas 16, mais 12 étoiles ! Je sais, vu de Paris, Strasbourg c’est un peu la Sibérie, mais sans être une lumière, il n’y a qu’à consulter Wikipédia pour savoir cela… Il faut le voir pour le croire, la preuve en image ci-dessous.

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Ca fait mauvais genre, mais finalement, c’est en accord avec les « campagnes » catapultées des grands partis, UMP, et PS. 30 ans de non-dits et de mensonges conduisent irrémédiablement à une débâcle toujours plus grande. A moins d’être magicien, on ne le corrigera pas en un mois ! Au vu de l’ignorance générale, une campagne européenne devrait être un véritable travail d’endurance sur le long terme, où l’on ferait acte de pédagogie, où l’on réfuterait inlassablement les intox au quotidien. Ce devoir de pédagogie, seul un candidat l’a fait et même matraqué : Daniel Cohn-Bendit. Au moins un élu de qualité qui retournera au parlement européen pour bosser. Mais que dire des autres !?

Vote sanction ? Chiche!

Bien sûr, il y aura eu quelques bonnes choses dans cette élection : la louable campagne de communication online du parlement européen par exemple, ou encore celle de Daniel Cohn-Bendit / Europe Ecologie. Dany l’Européen y travaille depuis des mois à plein temps, sur le web et sur le terrain, quand d’autres font du temps partiel depuis quelques semaines. Comme si une vidéo « buzzante » ou une présidence française de l’Union à l’aura incommensurable permettaient de s’en affranchir !

L’abstention sera donc là, c’est un fait. Selon le résultat, celle-ci peut cependant donner lieu à une (énième) désillusion… ou à une prise de conscience salutaire.

  • Hypothèse 1. Abstention équivalente à celle de 2004. Au terme d’une soirée électorale où gauche et droite s’accuseront de tous les maux, on repartira pour 5 ans d’ignorance !
  • Hypothèse 2. Nouveau record d’abstention. Au pire, le même scénario que ci-dessus, au mieux et c’est ma théorie, une prise de conscience s’opère vers une remise à plat totale, vers un « Grenelle de l’Europe », pour reprendre cette expression à la mode en France, où l’on s’imposera de nouvelles règles de bonne conduite après avoir répondu aux bonnes questions :

Faut-il faire de la communication électorale « one shot » ou enseigner l’Europe au quotidien, et comment y parvenir ? Faut-il que ce soient toujours les mêmes, les non-concernés, politiques parisiens pour la plupart, qui parlent d’Europe ? Faut-il continuer la politique du bouche-trou & du complément de salaire ou enfin créer des filières « Europe politique » comme le font l’Allemagne ou le Royaume-Uni par exemple ? J’ai entendu beaucoup d’arguments durant cette campagne, mais aucun sur ces points-ci qui me paraissent cruciaux si l’on veut corriger l’abstention à long terme.

Mais la France le veut-elle vraiment ? Seule une bonne grosse claque, comme celle du référendum de 2005, peut changer l’ordre des choses. Et si cette possible abstention record liquidait enfin un cycle pour en démarrer un nouveau, plein d’espoir ?

Allez, pour la conclusion, un peu d’humour par Jean-François Probst, un ex-RPR qui n’a pas la langue dans sa poche…

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13 réflexions sur « Vers une abstention record ? Chiche ! »

  1. Hypothese 3: considerer ces elections comme deja passées et (du temps) perdues.

    ..et travailler des maintenant, tous les jours, jusqu’en 2014 à faire en sorte que les partis, en particulier le PSE( et l’ADLE) , se reveillent et soient capable de mener une vrai campagne européenne , avec un candidat à la presidence de la commission.

    5 ans, ça ne sera pas de trop.

  2. @Sangaku: Ca y ressemble, car on l’attend toujours ce fameux plan B! Faut pas non plus cataloguer tout le PPE dans la case « mauvais ». Tu sais bien qu’au final, les votes ne se font jamais grâce à un seul groupe. La bêtise n’est pas propre à un seul parti… Et si le PPE avait un vrai bon candidat pour la Commission, on serait certainement plus indulgent.

    @Maitresinh: Donc anticiper l’hypothèse 2 😉 C’est intéressant ce que tu dis; il y a un mois je voulais justement écrire un billet dans ce sens « sacrifier ces élections pour mieux préparer les suivantes ». Je me suis ravisé entre temps pensant naïvement que ça allait s’améliorer. 🙁 Pour ce qui est du boulot, je pense que nous, citoyens militants, think tanks, associations sommes prêts. A voir maintenant si les politiques lâcheront un peu de leur vanité pour s’intéresser au peuple et donc un peu à ce que nous disons.

    @Lancelot: c’est clair, il me fait bien rire moi aussi!

  3. perso, au dela de la vanité des individus, je pense que les partis se sont longtemps reposés sur la construction européeenne a papa, entre etats. ils n’ont compris qu’ partir de 78 (au moins) c’etait a eux de prendre le relais

    Du coup, tout reste a faire chez eux (ou presque). et rattraper 50 ans de retard en 5 ans, c’est pas une sinecure…

  4. Je dois dire que ça me rappelle fâcheusement les arguments du Non en 2005. Je ne dis pas qu’ils n’étaient pas en partie fondés, et même souvent ils partaient de bons sentiments, mais au final ils n’ont mené à rien si ce n’est une régression. À savoir s’ils l’ont provoquée ou s’ils n’ont simplement rien fait pour l’endiguer, peu importe, le résultat est le même. Dire « bloquer tout aujourd’hui pour préparer les lendemains qui chantent », ça ne produit qu’un seul résultat : bloquer tout. Les lendemains qui chantent, on les attend toujours.

    Je crains que l’abstention militante ne produise exactement le même effet. Sans participation à la hauteur, les chefs d’État ne s’embarrasseront pas de la légitimité du Parlement, et celui-ci pourrait bien voir ses prérogatives pour la première fois décliner dans les faits. L’influence se gagne par le soutien populaire, et s’abstenir à cause du manque relatif de démocratie c’est exactement renforcer ce manque de démocratie.

    Si on s’abstient, alors qu’on ne se plaigne pas quand l’Europe se dirigera tout droit vers un club dirigé par les grands chefs d’État au détriment de la grande démocratie fédérale que nous voulons.

  5. Il faut relativiser mon propos qui ne s’applique qu’à la France. Je ne parle pas de l’influence du PE dans le triangle institutionnel européen, mais de l’Europe parlementaire dans le système partisan français.

    Contrairement au référendum de 2005, nous ne sommes pas devant un schéma de type « un tiens vaut mieux que deux tu l’auras » comme disait Moscovici. Abstention record ou pas, le traité de Lisbonne finira par passer et le rôle du PE continuera de croître. Tu imagines sincèrement les chefs d’Etat regarder le PE de haut à chaque vote important en disant : « avec une telle abstention, vous êtes ridicules, taisez-vous! » Les seules oppositions viendront du Conseil, c’est certain, mais comme on l’a déjà vu, via des actes autistes (cf. Sarkozy annulant en catimini l’amendement 138).

    Je souhaite autant que toi une Europe fédérale, mais ce n’est pas en appliquant des rustines qu’on changera fondamentalement le problème. Je souhaite aussi que les Français sachent pour qui et pour quoi ils doivent/vont voter. On en est très loin! Cette Europe ne se réalisera pas avec des députés/convictions au rabais. Le problème de l’ignorance et de l’abstention dont nous ne voulons pas ne se corrigera pas non plus par des micro-campagnes tous les 5 ans et un sytème où les meilleurs sont rarement ceux en pointe. Je sais, je me contredis sur ce point, mais au jour d’aujourd’hui, à moins d’un électrochoc, je ne vois pas ce qui changera les petits jeux partisans franco-parisiens. Je rejoins ton jugement au moins sur l’UMP. Avec leurs 25% annoncés, ils ne se remettront certainement pas en question. Le PS et le Modem ont tout à y gagner…

  6. Évidemment si tes références intellectuelles sont Luc Mandret, on va loin. Il s’était fait passer pour socialiste en 2006 et 2007, avait squatté notre mouvement Rénovaction Socialiste, puis il a compris que pour faire son opération marketing et se créer une espèce de carrière de com il avait à manger à tous les râteliers et créer un site agrégateur politique. Il surfe sur une abstention.

    Quelle incivilité. Et toi aussi?! Tu es vraiment tombé très bas.

    Et comme tous, alors que tu es Un Européen Jamais content, tu ne lance pas de débats sur les questions.

    Comme toujours je suis un Nonniste Européen convaincu et je milite avec un argumentaire construit et très élaboré et que tu méprise. Tu le méprise car pour toi l’éventail politique s’arrête à du rose bonbon de Blair-Brown à Aubry-Ségo-Hamon.

    Dommage que l’on ne voit toujours rien sur ton site au sujet de Ta Dissertation Politique. En 5 ans tu n’a pas évolué d’un mm.

  7. @Thomas: mes références, tu les connais, ne cherche pas de prétexte bidon pour râbacher ta liturgie sur ce blog! Si tu as un problème avec Luc, va lui dire en personne! Il lance une chaîne, j’y réponds avec mes opinions parce que je trouve le moment opportun.
    Des questions, j’en lance dans cet article, mais je constate malheureusement qu’en 5 ans, c’est toujours la même formule qui te décrit à la perfection: « il n’y a pas pire sourd que celui qui ne veut rien entendre / pas pire aveugle… » Au moins, tu as cessé les hors-sujets complets, c’est déjà ça.

    Quant à porter un avis positif sur les gens pour lesquels tu « milites », tu connais aussi mon avis. J’éprouve le respect minimum pour les anti-européens et c’est réciproque, il n’y a pas de jaloux! D’où mon éternel questionnement sur ta présence dans ces milieux.

    Dernier point: je « milite » à ma modeste échelle pour expliquer en quoi l’Europe est bénéfique avec des exemples simples et concrets. Tu préfères les dissertations monomaniaques, les acronymes et les chiffres en pagaille. Chacun son truc. Je doute que ça motive les citoyens à s’intéresser à l’Europe et à voter, mais je respecte, contrairement à toi. La différence, c’est que je ne viens pas pourrir ton blog avec ce genre de remarque stérile.

  8. Thomas, en effet je ne pense pas que ce lieu soit adéquat pour les attaques personnelles, et tu connais mon adresse mail si tu veux m’écrire des mots doux …

    Mais je doute que ton agressivité (à mon égard, mais pas que) serve véritablement tes propos. Et juste pour te rectifier, je suis resté plus de 6 ans au PS.

  9. A Lancelot : comment as tu fait ? (Pour rester au PS)

    Pour un PE fédéral, je crois que cela n’arrivera jamais. Car qui serait assez bête pour donner du pouvoir (véritable) au PE, alors qu’il est si confortable de pleurer sur le déficit démocratique, et de taper sur l’UE ?

    On ne pourra rien faire tant que de Chambre des Not Able…Le PE ne devient pas Parlement véritable. Le PE n’arrive pas à comprendre qu’il n’a toujours pas :
    -le pouvoir législatif : le pouvoir de faire la loi, ce qui suppose initiative des lois…Sinon dépendance vis à vis de la Commission non élue ! Et une Institution dépendante n’est pas une Institution démocratique.
    -le pouvoir constituant : le pouvoir de modifier les traités européens – même à la marge cela suffirait – ou d’approuver (par ex) l’adhésion de tel ou tel pays nouvel entrant dans l’UE.

    Et que les grands gagnants, dans l’histoire, ce sont les Exécutifs nationaux, qui se défaussent sur « Bruxelles » pour les mesures impopulaires, et usent avec délire de ses succès, pour se les accaparer. Ex : les infirmières bulgares.

    Comme les Parlements nationaux n’ont pas non plus compris…Cela ne va pas faire avancer le schilblick !

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